Relations entre jeunes et seniors : état des lieux en France
Sources :
Louis Chauvel, Le destin des générations, PUF, 2010
Bernerd Spitz : On achève bien les jeunes, Grasset, 2015
1°) Les courbes de revenus des seniors (+ de 60 ans) et des jeunes (moins de 25 ans) se sont croisées au cours des 40 dernières années : alors que le niveau de vie des vieux était faible dans les années 60, il est aujourd’hui au-dessus de la moyenne nationale (grâce à la progression des retraites ) × la pauvreté des moins de 25 ans a fortement augmenté ( les jeunes avant 25 ans n’ont pas droit au RSA, qui est de 524 euros alors que le minimum vieillesse (ASPA) est de 800 euros.
– 13% des jeunes adultes ( 18-29 ans) sont actuellement sous le seuil de pauvreté ( moins de 50% du niveau de vie médian) contre 4% pour les seniors.
→ On est passé des « vieux pauvres » aux « jeunes pauvres »
2°) Un salarié de 50 ans gagne en moyenne 40% de plus qu’un salarié de 30 ans (contre 15% il y a 30 ans)
3°) Chaque enfant français porte 30.000 euros de dette publique à la naissance ( contre quelques centaines en 1960). → Problème pour l’autonomie : non seulement un jeune d’aujourd’hui débute dans des conditions beaucoup plus difficiles que les jeunes d’il y a quarante ans, mais il devra rembourser une dette léguée par les seniors d’aujourd’hui pour financer leurs dépenses d’aujourd’hui…
4°) Le renchérissement de l’immobilier ( 70% en 15 ans de 2000 à 2015) → Fossé entre les générations déjà propriétaires et les jeunes primo-accédants.
Le loyer moyen versé par les locataires a doublé par rapport à leur revenu depuis 1970→ « Les jeunes d’aujourd’hui occupent à prix d’or des logements dont la taille n’a cessé de se réduire » (Spitz) et qui appartiennent le plus souvent à des seniors → aggravation de l’écart de revenus…
Cf en 1984 les moins de 30 ans étaient 17% à vivre dans un logement d’une pièce unique et 16% à occuper un logement de 4 pièces ou plus. En 2002, c’est 25% et 10% : peut-on parler d’autonomie quand on vit dans un logement de plus en plus exigu et de plus en plus cher ( en moyenne ils consacrent un tiers de leurs revenus pour se loger, contre un quart il y a 40 ans) ?
Pour les seniors c’est l’inverse : 65% occupent des T4 ou plus…
5°) Emploi : le taux de chômage est de 24% pour les jeunes , contre 10% pour l’ensemble de la population.
Caractère « dual » du marché du travail français :
– en 2014, 50 % des 15-24 ans actifs étaient en contrat temporaire ( CDD, intérim, emplois aidés, alternance) contre 9% des 30-49 ans et 5% des plus de 50 ans.
– le Conseil économique et social estime entre 60.000 et 120.000 le nombre de stagiaires jeunes occupant en fait des emplois à temps plein, rémunérés à 508 euros par mois, soit la moitié du SMIC = forme d’exploitation massive des jeunes.
→ « Le statut infiniment protecteur du CDI joue contre la jeunesse » (Spitz). Ce n’était pas le cas dans les années 60 : les jeunes entrant sur le marché du travail avaient presque tous un CDI très rapidement. Les jeunes aujourd’hui servent de « variable d’ajustement ».
6°) Jeunes et vieux en politique :
– Age moyen de l’Assemblée nationale élue en 2012 : 60 ans (âge moyen de la population française : 40 ans)
( 44 ans en Belgique, 46 aux Pays-Bas, 49 en Allemagne, 50 au Royaume-Uni, 53 en Italie) → La France a les parlementaires les + âgés d’Europe !
– Les 20-30 ans représentent 12,4% de la population et ne pèsent que 0,35% des députés.
Les deux benjamins de l’Assemblée nationale sont Front national, qui a l’âge moyen des élus le plus faible ( 43 ans, contre 54s au PS et 56 ans chez les Républicains).
– 77% des 18-34 ans se sont abstenus aux élections européennes de 2014.
Les jeunes sont aussi la classe d’âge la plus abstentionniste aux présidentielles et législatives de 2012 = « Le principal parti des jeunes Français est l’abstention » (Spitz). Cet abstentionnisme minore encore leur poids électoral.
Toutes les enquêtes montrent chez les jeunes un rejet du monde politique, perçu comme corrompu, inefficace, incompétent, etc.
En guise de conclusion :
Proposition d’activité réflexive :
A la lumière des faits exposés ci-dessus, comment caractériseriez-vous les relations entre « jeunes » et « seniors » en France ?
Voici huit tableaux illustrant, d’une manière ou d’une autre, les relations entre personnes âgées et personnes de générations plus jeunes.
Choisissez parmi eux celui qui vous semble exprimer le mieux ces rapports et dites pourquoi.
Vous pouvez écrire vos réponses dans la fenêtre ci-dessous. Je mettrai en ligne les réflexions qu’elles m’inspirent.
a) Bellini : la dérision de Noé
b) Les degrés des âges (gravure du 18ème siècle)
c) Ghirlandaïo : portrait d’un vieillard et d’un jeune enfant
d)Jordaens : Les jeunes piaillent comme chantent les vieux
e) Le bâton de vieillesse ( sculpture du 19ème siècle)
f) Zurbaran : La défense de Cadix
g) Raoux : La vieillesse
h) Raphaël : L’école d’Athènes
Suite à mon échange sur l’onglet « Pratiquer le philosophie à l’école », je tente le photolangage: rien de mieux qu’un petit test pour s’approprier une démarche.
1) Donc, pour moi, il y a deux tableaux qui font le plus écho aux relations entre générations: Le premier est « portrait d’un vieillard et d’un jeune enfant ». J’aime le regard entre les deux personnages. J’ai eu, enfant, adolescente et jeune adulte, la chance de passer du temps avec mes deux grand-mères. Et j’ai appris énormément d’elles. Elles ont beaucoup compté dans ma vie. La personne que je suis aujourd’hui tient, en partie, aux échanges que j’ai eu avec elles. Mais en tant qu’adulte, j’ai également été « personne de proximité » pour une de mes grand-mères. Je l’ai donc accompagnée à certains moments sur sa toilette, ses soins… Le « bâton de vieillesse’ me parle donc aussi (même si l’expression ne me plaît guère).
2) Le tableau qui me parle le moins concernant les relations entre les générations est la gravure sur les degrés des âges. Pour moi, il n’y a aucune relation, si ce n’est une relation de cause à effet: les « jeunes » deviennent « vieux » et changent donc de génération. Mais sur cette gravure, il n’y a aucun partage, ou du moins aucun rapport (quel qu’il soit) entre les générations.
Vos deux choix positifs ont en effet en commun qu’ils représentent une relation, un échange entre deux personnes d’âge différent. Dans le tableau de Ghirlandaio, c’est l’enfant qui s’appuie doucement sur son grand-père ; son regard exprime une tendresse confiante. Dans le « Bâton de vieillesse », c’est au contraire l’aïeule qui s’appuie sur la jeune fille, qui la regarde avec une sollicitude un peu inquiète. Dans les deux cas, la relation d’aide ou de soutien se double d’une relation affective d’amour. Mais dans un cas, c’est l’enfant qui a besoin du soutien de son aïeul; dans l’autre cas c’est l’inverse.
Ce que vous dites de vos grands-mères semble indiquer que le plus souvent ces deux aspects existent ensemble. D’un côté vous aidiez vos grands-mères pour la toilette, les soins, etc. D’un autre côté elles vous apportaient leur expérience, leur sagesse, leurs souvenirs.
On pourrait se demander ce qui est premier dans ces deux aspects : la tendresse naît-elle du besoin de protection et d’assistance ? Ou bien au contraire est-ce parce qu’on s’aime qu’on s’entraide ? Dans les deux cas, la relation se fonde sur la dissymétrie des deux personnes qu’elle met en jeu. S’il s’agissait de deux vieillards ou de deux enfants, ce ne serait pas du tout le même tableau !
A contrario, vous avez raison de remarquer que les « degrés des âges » sont une représentation purement statique des générations. Chacune est sur sa marche d’escalier, et chaque couple est totalement absorbé par lui-même, dans une indifférence totale aux autres. C’est un regard en quelque sorte sociologique et descriptif sur les différences générationnelles, aux antipodes de l’approche impliquée et intériorisée des œuvres précédentes.
Ces deux approches ne symbolisent-elles pas le double statut des générations dans la société d’aujourd’hui ? D’une part, elle tend à segmenter, séparer, dissocier ce qui auparavant était réuni : les « seniors » vivent désormais dans des résidences spécifiques, ils ont leur presse à eux, leurs boutiques, leurs associations, etc. – tout comme les ados, les jeunes, les homosexuels, etc. Ce qu’on appelle le « communautarisme » ne concerne pas seulement les différences ethniques ou religieuses, mais aussi les différences générationnelles.
Mais d’autre part l’actualité multiplie les occasions de « vivre ensemble », « parler ensemble », « réagir ensemble » : les problèmes écologiques, les attentats terroristes, la crise économique, rassemblent tous les âges dans les mêmes émotions, les mêmes réactions, les mêmes indignations ou interrogations (cf la manifestation pour « Charlie »).
Nous vivons donc, comme les personnages des tableaux que vous avez choisis, dans un double registre : « communautariste » d’un côté, « unanimiste » de l’autre ; égocentrique d’un côté (chacun sa culture, ses intérêts, ses lieux d’habitation, etc.), solidaire de l’autre (on descend dans la rue ou on regarde la même actualité télévisée). N’est-ce pas un peu schizophrénique ? Avec vos grands-mères, partagiez-vous seulement des souvenirs ou également un commun intérêt pour le présent et l’avenir ?
Fort intéressée je suis à la lecture de vos informations concernant les jeunes et les vieux : merci.
Cela confirme ce que je percevais, intuitivement …
Par contre, pas inspirée par la proposition suivante de commenter les tableaux.
Il me semble que la réflexion va bien au-delà de la philosophie « pure ».
Mon développement intellectuel se situant « au ras des pâquerettes », et dans un état de vieillissement avancé, je suis dans l’incapacité de poursuivre le dialogue.
Quoi qu’il en soit, MERCI pour les infos.
Bonjour,
Je me permets de participer à ce sujet qui est un vrai problème d’actualité. Je m’excuse d’avance si certaines idées semblent floues, je ne suis que débutant.
Je dois avouer qu’aucun des tableaux ne correspond pleinement à mes attentes je vais donc parler de certains d’entre eux et faire avancer ma réflexion en utilisant ces tableaux.
Le premier tableau présente une jeunesse irrespectueuse de ces ainés. Je pense que la jeunesse actuelle respecte les seniors. Il n’y a pas d’animosité des jeunes envers les seniors. Juste un manque de lien.
Si ce lien semble détérioré, c’est à cause d’un changement déterminant dans le cycle de la vie moderne. Pour moi le tableau 2, n’est absolument plus d’actualité. Evidement que le temps transforme l’enfant en homme mur puis en vieillard. Et bien évidement que le senior possède une expérience à laquelle le jeune homme ne peut prétendre. Mais aujourd’hui, dans l’ère de la technologie omniprésente, ce cycle naturel est bousculé. Un adolescent de 15 ans explique aujourd’hui à ses ainées comment utiliser un smartphone. Le jeune homme ne pose plus de question à son père pour obtenir une réponse, il demande à Google ! Le cycle est rompu, et la technologie à fracturé le lien parent/enfant. Les seniors ne sont pas aptes à guider la jeunesse actuelle car les jeunesses ne sont pas les mêmes. L’expérience acquise ne correspond déjà plus aux attentes et besoin des jeunes pour faire face au monde moderne.
La jeunesse actuelle vit une époque singulière, le modèle des grands-parents et même des parents ne correspondent pas à la vie moderne. Qui peut l’aider sur les questions d’intérim ? Qui peut l’aider pour des questions d’informatique ou de communication ? Qui peut l’aider pour payer ces impôts en ligne ? La jeunesse a beaucoup trop de question sans réponse. Et lorsqu’un ainé, plein de bonne volonté et souvent désireux de partager, dévoile son expérience cela ne fait qu’apporter plus de distance. Car les similitudes entres les époques sont rares et que la balance semble être en défaveur de la jeunesse actuelle.
Pour moi la jeunesse cherche des repères et cherche ce lien intergénérationnel. Malheureusement, elle ne le trouve pas.
Le troisième tableau montre un lien plus tendre entre les âges. Ce qui est à mes yeux la dernière relation forte entre les âges. La tendresse et l’affection pousse toujours la jeunesse à rechercher la fierté de ces ainés. La jeunesse sait également qu’elle devra être présente pour aider ses parents en fin de vie. Et elle l’accepte, par amour comme par obligation.
Je ne me lance pas encore dans les détails du côté politique et abstentionniste de la jeunesse, ni dans ceux du monde du travail pour les jeunes. Mais tous ces sujets sont passionnants et se rejoigne tous, une fracture existe, il faut l’accepter et ne pas repousser la faute sur les uns ou les autres.
Merci de m’avoir lu.
Bonjour,
Votre analyse des trois tableaux me semble juste et profonde. Vous avez raison de dire que l’organisation de la société en âges bien structurés et déterminés, qu’exprime le tableau B avec sa hiérarchie montante puis descendante, n’est plus d’actualité. Les seniors ne représentent plus ni l’autorité ni la compétence ni même la sagesse comme autrefois. Les différents âges de la vie sont désormais à égalité, chacun avec ses problèmes : le chômage et le logement pour les jeunes, les retraites souvent modestes, l’amenuisement des services publics et les problèmes de santé ou de vieillissement pour les seniors.
Vous écrivez que la dernière relation forte entre les âges, c’est « la tendresse et l’affection ». Est-ce vraiment la seule relation qui reste ? Après tout, les problèmes que rencontrent les jeunes et les vieux sont largement communs. Le chômage et la diminution des services publics ont les mêmes causes : la mondialisation, la libéralisation des échanges. Jeunes et vieux devraient donc être solidaires pour trouver ensemble des solutions qui à la fois maintiennent la solidarité entre les générations mais permettent un certain dynamisme économique. Qu’est-ce qui, d’après vous, empêche leur coopération ?
Lorsque vous dites : « Une fracture existe, il faut l’accepter et ne pas repousser la faute sur les uns ou les autres » , pensez-vous que cette fracture est irrémédiable ? N’est-il pas possible d’envisager des actions communes, que ce soit au plan politique ou dans les collectivités locales ou les associations ? Pour ma part, je travaille dans plusieurs associations où jeunes et vieux ne se contentent pas de coexister ou de s’aimer, mais travaillent ensemble pour des projets communs, des buts communs.
Vous dites aussi : « La jeunesse cherche le lien intergénérationnel et malheureusement elle ne le trouve pas », parce que les aînés ne savent pas répondre à leurs demandes. Les exemples que vous donnez concernent la vie professionnelle (l’intérim, l’informatique, etc.) . C’est vrai que les conditions de travail ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois. Mais les aînés ne peuvent-ils pas aussi aider ou conseiller les jeunes sur d’autres plans, moins changeants ?
Merci encore de votre contribution !
Bonjour et merci pour votre réponse qui ouvre la discussion vers l’échange d’idée.
Vous écrivez que la dernière relation forte entre les âges, c’est « la tendresse et l’affection ». Est-ce vraiment la seule relation qui reste ?
Ce n’est pas le seul lien mais c’est pour moi le lien qui est toujours aussi fort aujourd’hui que pour les générations précédentes. En voyez-vous un autre ?
N’est-il pas possible d’envisager des actions communes, que ce soit au plan politique ou dans les collectivités locales ou les associations ?
Je suis membre, moi aussi, d’associations et je dois reconnaitre que c’est un excellent exemple de collaboration intergénérationnelle. Dans la sphère associative, on peut voir des seniors échanger avec des juniors. Les premiers font profiter aux seconds de leur temps disponible, de leur expérience et de leur savoir-faire tandis que les seconds apportent leur énergie, leur soif d’avancer et leur intuition. Cela fonctionne sur une petite échelle d’individu, travaillant ensemble pour un but commun. Pourquoi cela ne se reproduit pas à l’échelle de la société ? Pour des buts communs plus essentiels ?
Qu’est-ce qui, d’après vous, empêche leur coopération ?
Dans une association, on devient membre d’une entité dont le but est déterminé par l’association. Les individus choisissent de s’investir par passion. La collaboration est le fruit du partage de la même passion.
Les jeunes ne sont pas passionnés par des problèmes de retraites, de déserts médicaux ou d’isolements, tout comme les seniors ne sont pas passionnés par les problèmes de logement, des études ou d’accession au CDI.
La communication semble être une solution évidente mais elle semble bien compromise. Qui pour jouer le rôle de médiateur ? La politique ? Les medias ? Le web ? Ces outils sont plus souvent utilisés pour participer à la fracture que pour la refermer.
La solidarité senior/junior sur des thèmes politique semble difficile à mettre en place et à maintenir.
Les aînés ne peuvent-ils pas aussi aider ou conseiller les jeunes sur d’autres plans, moins changeants ?
Quels sont les plans moins changeants ? La famille traditionnelle n’existe plus. La relation de couple a changé. Le contrat de travail traditionnel n’existe plus. La sédentarisation disparait. Les lois évoluent sans cesse. Les loisirs et les outils se renouvellent sans cesse. La stabilité existe-t-elle encore ?
Vous posez une question essentielle. Comme vous le dites très bien, dans une association, jeunes et vieux collaborent, participent à un projet, partagent des valeurs, s’engagent dans des actions communes. Il en va souvent aussi de même dans les petites villes ou villages, dans le cadre du conseil municipal.
Pourquoi ce qui est courant et aisé dans le cadre d’une petite collectivité « à taille humaine » ne l’est pas au niveau de la nation entière ?
On pourrait répondre que dans une société aussi grande que la France, les buts ne sont pas aussi clairs que dans une petite association ou collectivité locale ; les valeurs ne sont pas aussi communes (on le voit bien en ce moment) ni les actions aussi évidentes.
Il faudrait donc imaginer, dans le domaine politique, des structures, des institutions, des procédures qui permettraient à des catégories diverses de la population (jeunes et vieux, mais aussi personnes de milieux sociaux différents, d’origines, de cultures et de religions différentes) de se rencontrer, de collaborer pour des actions qui ne seraient pas locales ou ponctuelle mais générales.
Lesquelles ? J’en donnerais pour ma part deux exemples. D’une part les « jurys citoyens » qui dans certains pays (Suède, Danemark) permettent à des citoyens divers de débattre ensemble d’une question d’intérêt général ( par exemple la fin de vie, ou les problèmes bioéthiques) – leur délibération étant ensuite portée à la connaissance de tous.
D’autre part le « service civique » qui permet à des jeunes de se consacrer pendant une période assez longue à un engagement au service d’une cause d’intérêt général. Mais pour que ce service soit vraiment intergénérationnel, il faudrait qu’il puisse aussi concerner les retraités…
A vous de trouver d’autres idées allant dans ce sens…
Bonjour,
Votre atelier populaire n’est-il pas également un exemple d’échange ouvert à tous ? L’avez-vous créer dans ce sens ?
A l’échelle de la France, les décisions globales sont prises et débattues par des personnalités politiques, qui ont vécu une vie de politicien, éloigné de la vie des citoyens français. Il travail sur des rapports, des études ou des faits d’actualité, rarement sur leur propre expérience de vie. Certains hommes politiques reconnaissent ce fait. On est bien loin d’un « Jury citoyen ».
Que pensez vous du système suisse, avec ces « votations » régulières ? Cela incite le citoyen au débat et à la réflexion politique. Il est acteur et non spectateur de la politique, ce qui implique des prises de positions et donc des échanges d’idées dans la population.
Bonjour,
Je suis tout à fait favorable au système suisse. Habitant moi-même pas très loin de la Suisse, j’en vois directement les modalités et les effets. Le système référendaire permet d’animer des débats sur toutes sortes de sujets, sans les réserver au seul Parlement.
Mais comme la pratique du débat philosophique, le referendum n’est valable démocratiquement que s’il est pratiqué souvent sur toutes sortes de sujets. Sinon il est détourné de son objet et devient un plébiscite caché, comme ce fut le cas en France pour les referendums qui y ont été organisés.
Quant à cet atelier, il n’a pas l’ambition de se substituer à la démocratie participative ! Par définition, en philosophie, on ne prend pas de décision, on ne vote pas, on ne vise pas l’action immédiate. C’est un espace de pure réflexion, mais je crois qu’il n’y a pas d’action légitime et efficace sans cette démarche préalable de prise de distance réflexive.
Bien à vous,
François Galichet
Bonjour Monsieur Galichet ,je me présente je suis Ann-Mariel Desbonnet et je me forme au diplome universitaire de philosophie avec les enfants crée par Edwige Chirouter ,je souhaite travailler pour mon mémoire final sur « La philosophie ,médiatrice du lien intergénérationnel « je suis professeur des écoles et je souhaite faire des ateliers élèves parents -mamie -papi ,mais j ‘ai une grande question qui me bloque :dois je faire mes ateliers sur le thème choisi avec mes élèves ,qu ‘ils y aient réfléchi ,débattus puis faire venir dans un second temps les parents ou l ‘on restituerait ce qui a été dit en menant un débat avec les parents qui enrichirait la pensée des élèves ,car débutante je ne me vois pas mener un débat parents élèves en direct..que me conseillez vous?
je vous remercie de l ‘éclairage que vous pourrez me donner *
Respectueusement
Ann-Mariel Desbonnet
Bonjour Monsieur Galichet,
Je vous ai adressé le 14 février mes réponses au portrait chinois de la vieillesse.
Je l’ai fait de façon impulsive, sans du tout l’accompagner de notes personnelles. Veuillez m’en excuser.
Je m’appelle Catherine, j’ai bientôt 66 ans, je suis maman de 4 enfants et j’ai 9 petits enfants entre 3 et 18 ans. Plus j’avance en âge et plus le temps me semble doux, ce dont je profite, ne sachant pas si cela durera toujours.
Je souhaite « faire travailler » mon cerveau afin de conserver mes capacités, et lorsque j’ai découvert votre atelier, j’ai compris qu’il allait me permettre cela.
En ce qui concerne les relations entre jeunes et séniors en France, je ne peux que parler en mon nom:
Les séniors lèguent de nombreuses difficultés aux jeunes. Non, c’est culpabilisant et pas tout à fait juste. Disons que les jeunes rencontrent de nombreuses difficultés, sur le plan du travail, du logement, économiques…
Cette situation a une influence sur la façon dont ils se projettent dans l’avenir. Et donc sur leur présent, leur comportement.
Je préfère éviter à leur sujet les réflexions commençant par « A mon époque », sauf pour constater qu’ « à mon époque » justement la vie était plus facile, il y avait plus de travail, le pouvoir d’achat, etc…
Les jeunes de maintenant ne sont pas dans la même insouciance que les séniors au temps de leur jeunesse.
Mais ce constat un peu sombre ne s’applique pas à tout le monde:
Je ne fais pas partie de séniors qui peuvent se permettre de vivre dans un F4, je vis assez isolée, mais cela ne m’empêche pas de rencontrer des jeunes. Je les trouve charmants, prévenants, agréables, respectueux, attentifs…
Je vis dans la Drôme, une région regroupant une population se questionnant, concrétisant les fruits d’une réflexion profonde par rapport à la consommation, l’ état de la planète, l’autorité, le savoir, la transmission…
Ces jeunes sont tournés vers l’avenir les yeux ouverts, le regard positif.
Ce sont eux qui m’interpellent, par leur façon d’être avec leurs enfants, et me font me poser des questions sur l’ attitude que j’ai pu avoir avec les miens. C’est un exemple.
Ils sont attentifs lorsque j’évoque des sujets de spiritualité, ou les outils que j’utilise pour progresser sur mon chemin, ou ce qui m’aide à me positionner par rapport aux différents événements de ma vie, etc
La transmission existe dans les deux sens.
C’est pourquoi je choisis la statue « Le bâton de vieillesse », qui représente pour moi cette énergie réciproque: la vieille femme encore droite et sûre d’elle, avec tout ce qu’elle peut apporter à la jeune-fille forte de cet enseignement, et dont l’amour pour l’aïeule lui permet de l’aider.
J’ai beaucoup hésité entre cette statue et le portrait du vieillard et de l’enfant, tellement émouvant.
Femme je choisis la statue.
Je vous remercie d’avoir lu mon texte,
Respectueusement,
Catherine Coupille
Bonjour,
Ce que vous dites de l’attitude des jeunes aujourd’hui me paraît très juste. Moi-même qui suis plus avancé que vous en âge je le ressens tous les jours avec mes enfants et petits-enfants : nous ne vivons pas dans le même monde ; nous avons connu des facilités qu’ils ne connaissent pas, sans parler de l’angoisse actuelle sur le devenir même de la planète, totalement ignorée de nous quand nous étions jeunes – alors que notre génération en est largement responsable…
La difficulté est de trouver la bonne posture : ni culpabilité ni donneur de leçons !
C’est pourquoi je vous rejoins quand vous écrivez que « la transmission existe dans les deux sens ». Cela illustre le « portrait chinois » de Mme Houillé, arrivé presque en même temps que le vôtre.
Votre hésitation entre le « bâton de vieillesse » d’Escoula et le tableau de Ghirlandaio me semble intéressante. Certes dans les deux cas il y a une relation de tendresse réciproque. Mais dans le cas de la statue d’Escoula, elle s’exprime essentiellement au plan de l’action : la jeune fille soutient sa grand-mère, qui s’appuie sur elle ; cela leur permet de marcher ensemble. En revanche dans le tableau de Ghirlandaio la relation est purement « gratuite » et « contemplative » : l’enfant est assis sur les genoux de son grand-père ; ils se regardent sans rien faire, et précisément parce qu’ils ne font rien (alors que les personnages d’Escoula ne se regardent pas).
Il me semble qu’il y a là deux modèles de relation : l’une qui ne se développe que dans la suspension de l’action et des préoccupations quotidiennes ; l’autre qui au contraire n’a de sens que par elles et en elles, dans un souci commun d’habiter le monde, de le parcourir, d’y survivre.
L’une d’elles est-elle plus profonde, ou plus valable que l’autre ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question…
Bonjour Monsieur,
Voici donc ma réponse à votre question:
Deux types de relation sont évoqués dans ces oeuvres
Il y a, dans la statue, de l’ action, du mouvement: la vieille femme avance, elle pause avec précaution et assurance un pied devant l’ autre, aidée par la jeune fille.
Le vieil homme semble au seuil de la mort, le temps est arrêté, comme suspendu.
La vieille femme regarde au loin, la jeune fille regarde l’ aïeule. La relation n ‘est peut-être pas à double sens.
Dans le portrait du vieil homme et de l’enfant, chacun des personnages plonge, s’immerge dans le regard de l’ autre.
La statue parle de confiance, elle est rassurante. Un sentiment de devoir est évoqué, la vie continue.
Dans le portrait, l’ amour est infini. Il y a un sentiment d’ exclusivité, d’ absolu, Le moment est privilégié, peut-être par la proximité de la séparation prochaine.
On peut mourir après tant d’amour!
Ces deux formes de relation ont pour moi la même valeur, la même profondeur. Bien sûr le talent, le génie du peintre font que le portrait possède une très grande émotion, et l’oeuvre elle-même me touche au plus profond.