
Cette image donne à voir soit une jeune fille, soit une vieille femme. Aucune raison ne permet de justifier une perception plutôt que l’autre. Cet arbitraire radical pourrait symboliser celui que découvre Pascal quand il écrit : « Je m’effraye et je m’étonne de me voir ici plutôt que là, car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors » (Pensées, § 205).
Je viens d’achever la rédaction d’un ouvrage intitulé « La question pascalienne ».
Il s’agit d’une réflexion sur la subjectivité, à partir de la question de Pascal : « Pourquoi (suis-je) ici plutôt que là, maintenant plutôt que lors ? ».
Elle s’organise en 8 chapitres. Chacun commence par une expérience de pensée posant une question à laquelle le reste du chapitre vise à répondre ;
1°) Que signifie « être moi » ? La subjectivité se définit-elle par l’intelligence, la liberté, la sensibilité ?
2°) Qui suis-je ? A partir des thèses de Locke et Parfit, comment penser mon identité personnelle ?
3°) La question pascalienne (pourquoi suis-je moi et non un autre ?), est irréductible au simple hasard ou au déterminisme scientifique. Elle seule peut fonder l’impératif moral.
4°) Que signifie « autrui existe ? » Qu’est-ce que les récentes avancées de l’intelligence artificielle changent à la façon d’envisager autrui ?
5°) Le désir de reconnaissance et ses figures : pourquoi veut-on être reconnu ? Par qui ? Que vaut cette reconnaissance ?
6°) Pour une éthique pédagogique : le projet d’éduquer ne vaut-il que pour les enfants, les ignorants ou les déficients ?
7°) L’ignorance fondatrice : en quoi notre ignorance de la mort se distingue-t-elle de l’ignorance empirique banale ? Pourquoi fonde-t-elle une « éthique baudelairienne ? » (« O mort vieux capitaine, il est temps ! Levons l’ancre !…Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! »)
8°) Morale de conservation et morale sacrificielle : vivre est-il un devoir inconditionnel ? La liberté de mourir peut-elle être le principe d’une éthique universelle allant au-delà de la seule fin de vie ?
La conclusion développe l’idée de la vie comme œuvre à accomplir, par opposition aux idéologies du bonheur, du « développement personnel » ou de la « pleine conscience ».
Ces chapitres forment un parcours dont les étapes s’enchaînent. La détermination de la subjectivité comme normativité originaire conduit à la question pascalienne (« Pourquoi suis-je moi plutôt qu’un autre ? »). Celle-ci engendre l’intention de mourir délibérément (c’est-à-dire à la fois volontairement et après mûre délibération) comme horizon nécessaire de l’existence. Cette intention à son tour transforme notre rapport au monde et aux autres ; elle nous affranchit de la tyrannie du désir de reconnaissance comme de la méfiance et nous fait considérer notre vie comme une œuvre, au sens artistique de ce terme.
La réflexion s’appuie sur l’examen critique de certaines pensées philosophiques (Descartes, Locke, Parfit, Nagel, Heidegger) mais aussi d’œuvres littéraires (Marivaux, Proust, Albert Cohen, Maupassant, Stephen King) et filmiques (Black Mirror, Her, Indiana Jones, All is lost).
L’ouvrage sera publié bientôt chez Odile Jacob.
Bonjour monsieur,
Peut-on s’abonner à votre site pour être informé de toute dr votre actualité ?
Merci de bien vouloir me répondre.
Cordialement. Olivier GOLINELLI
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Bien cordialement,
François Galichet
Parce que je suis moi et pas un autre c’est une évidence ressentie, existentielle, dans la solitude… Et voilà..
C’est une évidence, vous avez raison ; mais en même temps c’est une question, car il n’y a aucune raison que « je » ne sois pas un autre moi que je pourrais aussi bien être, puisqu’il pense et sent comme moi. C’est ce que veut dire Pascal : la réponse à cette question ne relève pas de la science, comme s’il ne s’agissait que de déterminer les causes qui font qu’il y a quelqu’un qui a mes caractéristiques, ma situation dans l’espace et le temps. Mais elle ne relève pas davantage de la religion : le recours à Dieu peut expliquer pourquoi il y a telle et telle créature, mais non pourquoi je suis celle-ci plutôt que celle-là.
La question est donc sans réponse, mais le simple fait de se la poser est déjà une avancée. J’essaie de montrer dans l’ouvrage qui sera publié qu’elle conditionne l’exigence morale, le rapport aux autres et au monde, et au final la volonté de choisir le moment de sa mort plutôt que de l’abandonner au destin ou au hasard.