Atelier UNESCO « Penser et créer » : la distance

L’atelier philo « Pratique philosophique et créativité » s’est déroulé à l’UNESCO, dans le cadre des journées NPP, chantier Philoart, le mercredi  16 novembre de 14h à 16H, sur le thème de la distance. Il était conçu et animé par Martine Boncourt et François Galichet.

Il s’inspirait des analyses développées dans notre article  Pratique philosophique et pensée créative, publié dans « Penser et créer », vol. 2 (Laïcité Brabant wallon, Pôle philo, 2021).

Les indications qui suivent peuvent permettre à tout animateur d’atelier d’en organiser selon le même protocole, sur le même thème ou sur un thème différent.

Le protocole suivi était le suivant :

1°) Discussion orale sur le thème (la distance) selon le protocole AGSAS : deux tours de table ; chacun prend la parole à son tour (bâton de parole), mais peut passer son tour s’il le souhaite. Le ou les animateurs n’interviennent pas à ce stade.

2°) Brève synthèse orale par l’animateur, qui résume les points saillants se dégageant des interventions.

3°) Présentation de documents à caractère poétique ou artistique en rapport avec le thème . Dans le cas de l’atelier UNESCO, les textes étaient les suivants :

– Poèmes de Antoine Vincent Arnault , Le riche et le pauvre et de Claude Mermet, Un enfant de bonne maison, Le riche (distance sociale)

– Poème de Jacques Prévert, Déjeuner du matin (distance affective)

– Fable « les porc-épics », tirée de Schopenhauer (distance anthropologique)

– Tableau de Michel-Ange, La création d’Adam (distance métaphysique)

– Image du film de Cocteau, La belle et la bête (distance esthétique)

4°) Mise en situation d’activité créative, au choix :

            – écrite (texte poétique, littéraire et/ou philosophique)

            – plastique (dessin)

Travail individuel ou par petits groupes (fourniture de feuilles A3 et de feutres de couleur)

5°) Regroupement des productions en fonction de leur tonalité dominante. Dans le cas de l’atelier UNESCO, les dominantes suivantes ont été dégagées :

– distance philosophique

– distance intellectuelle

– distance affective ou relationnelle

– distance poétique

– distance physique ou géographique

– distance éducative

– distance sociale

-distance temporelle

6°) Regroupement des participants sur la base de cette taxinomie.

Consigne : A partir des productions individuelles, composer une « page » d’album (par collage et découpage).

7°) Présentation collective des productions : Chaque groupe vient présenter sa « page », l’explique et la commente, et répond éventuellement aux questions.

8°) Apport complémentaire des animateurs : cette phase n’a pu être effectuée faute de temps. Il s’agit de présenter :

– des textes poétiques complémentaires sur le thème de la distance (fables de la Fontaine : Le Chameau et les bâtons flottants ; Le renard et les raisins) ; fable  Le cerf-volant et le papillons, extraite des Philo-fables de Michel Piquemal (Albin Michel).

– des textes philosophiques sur le thème de la distance : Pascal, Kant, Levinas, La Bruyère, Nietzsche.

On trouvera l’ensemble de ces textes ici.

– un Powerpoint présentant un ensemble d’images sur le thème de la distance. On le trouvera ici.

Productions des participants

On trouvera ci-dessous la quasi-totalité des productions des participants. Seules quelques contributions n’ont pu être reproduites pour des raisons techniques.

Commentaires de François Galichet sur ces productions

Les productions, réalisées dans un temps très court ( ¾ heure environ), sont d’une remarquable richesse. On peut les classer en plusieurs catégories :

1°) Celles qui présentent des textes seuls, à caractère poétique. Ainsi les images n° 3 et 4 comportent plusieurs textes qui se font écho sur le thème de la rencontre – qui n’a de sens qu’à partir d’un éloignement initial. Dans l’image n° 4, une réflexion sur le sport permet de préciser la distance « juste » liée à la capacité du joueur à s’écarter de ses adversaires au lieu de les bousculer dans un corps à corps néfaste et contraire à l’esprit du jeu.

Ces textes conduisent aussi à distinguer différents types de distance. Ainsi l’image 5 différencie, à propos du Covid, la « distanciation physique compréhensible » (pour combattre la propagation du virus) et la « distanciation sociale répréhensible », parce que facteur de méfiance, d’angoisse, de solitude.

Certains textes se présentent comme de courts aphorismes. D’autres au contraire développent longuement une méditation sur un thème précis, comme par exemple l’image n° 11 qui se construit à partir de la parole du Christ sur la croix : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Dans l’image n° 24, le dessin illustre la sentence « Parfois, on n’est jamais aussi proche de quelqu’un que lorsqu’on est loin de lui ». Il est illustré à la fois par un poème en forme d’acrostiche et la représentation de deux arbres éloignes mais qui pourtant communiquent.

Parfois, le caractère philosophique l’emporte sur l’aspect poétique : le texte se donne sous la forme d’une analyse débouchant sur un questionnement explicite, comme dans les images n° 18, 19 et 20, qui se concluent pas des questions « dont la réponse est peut-être dans la philosophie ».

Le texte peut aussi prendre la forme d’une lettre adressée à un correspondant anonyme, comme dans l’image n° 16 ; ou d’un journal intime, comme dans l’image n° 17, écrite à la première personne et à l’imparfait.

Il peut encore revêtir la forme d’un poème en bonne et due forme, comme dans l’image n°13, qui présente un texte rimé en alexandrins ; ou dans les images n° 25 et n° 29 qui présentent des poèmes acrostiches dont les lettres initiales forment le mot « distance ». Dans les images n° 27 et 28 la distance est personnifiée et le poème s’adresse à elle en la tutoyant (« O distance ! »). Dans l’image n° 30 on trouve un beau poème sur l’exil. Dans l’image n° 34, c’est un poème de Lope de Vega qui est reproduit dans sa langue originale, l’espagnol.

On trouve aussi la forme narrative d’une courte histoire, comme dans l’image n° 21, qui  raconte l’histoire d’un homme « qui regarde dans son rétroviseur » son enfant : au lieu de l’enfant qu’il attendait, il trouve « un grand ado dégingandé ».

On trouve également la forme d’un dialogue de type théâtral, comme dans l’image n° 22 : deux personnages discutent, autour de leur relation il y a 20 ans et aujourd’hui.

2°)Celles qui présentent des diagrammes sous forme de « carte mentale » :c’est le cas de l’image n° 10, qui articule dans un cercle centré sur la relation moi/autrui divers concepts comme la tolérance, le dialogue, la réflexion, la méditation, etc.

3°) Celles qui allient texte et graphisme : ainsi les images n° 1 et 2  présentent des lignes entrelacées plus ou moins éloignées, et deux personnages dos à dos, illustrant le leit-motiv des textes : « trouver la bonne distance ».

Cette alliance du texte et de l’image peut aller jusqu’à une véritable intrication. Ainsi dans les images n° 7, 8 ,9, les divers textes sont inscrits dans les wagons d’une sorte de train. Ils constituent autant de variations autour d’un calembour : « Dis-moi une stance » , qui fait de la distance le principe même de la poésie. La stance doit être « chuchotée », ce qui suppose à la fois une certaine proximité, mais aussi un effort de discrétion qui oppose cette proximité de l’auditeur privilégié à l’éloignement de tous les autres.

Dans l’image n° 9 la distance est associée à la hauteur, qui « protège » ; l’autre moitié de la page fait écho à la fable des porcs-epics lue au début de l’atelier.

Dans l’image n° 14 le dessin sert à concrétiser l’aphorisme : « La distance ne se voit pas, elle se vit » : les deux personnage figurés ne se regardent pas, mais une flèche symbolise la relation qu’ils ont malgré cette invisibilité mutuelle.

Dans l’image n° 31 une voie de chemin de fer relie les trois colonnes de textes et suggèrent le rythme d’un voyage qui s’accélère.

4°) Celles qui font du texte un dessin, en le présentant sous forme de calligramme, comme dans la poésie d’Apollinaire. Ainsi l’image n° 12 inscrit un texte en rond dans un visage, de sorte que le texte peut être considéré aussi bien comme la pensée intime du personnage (« dans sa tête ») que comme ce qu’il dit à un interlocuteur invisible (d’autres mots sortent de sa bouche). Dans l’image n° 15 le calligramme circulaire existe seul, et la proximité des lignes concentriques contraste avec le mot « distance » inscrit au centre.

Cette brève analyse des productions montre d’abord leur richesse ; et ensuite la diversité des formes que peut prendre la créativité quand elle est inspirée par un thème philosophique.  Encore bravo aux participants ! I

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2 commentaires sur Atelier UNESCO « Penser et créer » : la distance

  1. Merci François pour ce minutieux travail de compte-rendu. C’est un outillage complet très précieux.
    J’ai beaucoup apprécié cet atelier e je suis motivée pour le proposer dans une prochaine session de formation d’animateurs et animatrices « Graines de philo ».

    Amicalement.

  2. Merci pour ce moment de réflexion, de création, de partage.
    Que c’est agréable d’être participant parfois tout en pouvant découvrir et se découvrir…
    J’ai beaucoup apprécié cet atelier inspirant.
    Merci beaucoup pour votre générosité,
    Sylvie

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